« Tu l'aimes Cléo? » qu'il demande l'air de rien, tout en versant dans son verre un liquide ambré, fort. Avant même que Yulian répondre, il sait qu'il en aura besoin. C’est pas compliqué, il craque un peu trop pour le copain de sa sœur. Et quand il se retrouve seul avec lui, il peut pas s’en empêcher, c’est plus fort que lui, il se doit de lui faire du rentre-dedans. Même quand Cléo l’appelle la voix tremblante, se demandant pourquoi Yu ne daigne même pas mettre le petit doigt sur son corps. C'est sa gêne, qu'il répond souvent maladroitement. Souvent à défaut de pouvoir lui avouer la vérité, comment dire à sa soeur que son copain perd ses moyens devant son grand frère? Il est pas aveugle Cam, un peu con parfois, mais il sait voir quand on s'intéresse à lui. Peut-être qu'il trouve que c'est évident, peut-être que ça lui fait plaisir. Alors il revient à la charge, qu'importe le nombre de fois où Yulian peut le repousser. S'il peut pas s'empêcher, prendre en compte les désirs du russe ne serait pas non plus une mauvaise idée. Voilà pourquoi la question traverse ses lèvres, une nonchalance forcée avec ses bras saillants croisés dans un vain espoir de paraître désintéressé. « Ou- oui, » finit par murmurer Yulian, et pendant une seconde, Camden souhaite être sourd. Pourtant, il se lève de son appui et s'approche du brun en souriant. Un sourire fade, morne, mais là tout de même. « Il me reste plus qu'à te laisser tranquille dans ce cas. » C'est la dernière chose dont il a envie, bien que ça soit mieux ainsi. Que le brun ne sache plus où se mettre en sa présence est une chose, qu’il possède vraiment des sentiments pour sa petite sœur en est une autre. Peut-être que sa nature gênée est suffisante pour que Yulian veuille prendre excessivement son temps dans leur relation, peut-être que Camden s’est trompé en pensant qu’il ressentait en fait quelque chose pour lui. Briser leur ménage par envies égoïstes est hors de question, sa mère s’est trop longtemps évertuée à gâcher l’existence de ses enfants. Cam s’est juré de prendre soin de Cléo, prendre soin d’elle aujourd’hui signifie de mettre ses sentiments de côté, et laisser le couple vivre leur histoire tranquille.


Les bois n’offrent jamais un silence complet, et pourtant, son air pur et ses feuillages ombragés amènent un immense sentiment de paix dans l’âme de Camden. Boston est sa ville à présent, il vient au Canada de moins en moins avec les années, mais c’est là où il est né. Même s’il n’a qu’une entente cordiale avec son géniteur, quand la chasse est ouverte et qu’il est possible pour Cam d’en profiter, il vient. Ils passent du temps tous les deux ou il se ressource tout seul. Plus jeune, avant l’université, il traînait sa sœur quand il pouvait, s’imaginait mille et un scénarios et vivaient de ses aventures avec les yeux brillants. Ça lui manque, parfois, et c’est pourquoi il cherche les endroits verts et leur faux silence, brisé par le chant des oiseaux et le bruissement des arbres. Les moments où il peut n’être personne si ce n’est lui, pas besoin de sourire ou charmer, pas besoin d’étouffer avec les ongles de maman enfoncés dans la gorge, pas besoin de rien, on cesse d’exister pour se concentrer sur ce qui compte vraiment. Son grand rêve serait de s’installer en campagne, campagne qui peut toutefois facilement rejoindre une ville pour qu’il puisse exercer et vivre tranquille. Il sait qu’au Canada, il n’aurait pas de difficulté à trouver le coin idéal, peut-être qu’un jour il pourrait même hériter de son père, peut-être.


Sourire blanc éclatant, regard brillant, il brille comme un sous neuf malgré les lumières tamisées. Il fait tourner une fille dans ses bras, et elle rit à gorge déployée, aussi magnifique que lui dans sa robe de soirée. C’est la première fois qu’il va chez une cliente, première fois qu’il rend à la belle chaque remarque à double-sens, sans laisser de doute quant à la suite des évènements. Alors il l’a fait tourbillonner jusqu’à sa chambre, l’arrête en la ramenant brusquement contre lui avant de l’embrasser avec passion. C’est la première fois qu’il fait un one-night, première fois qu’il couche pour de l’argent. Un pourboire qui ira droit dans ses poches, qui fera grogner maman aussi mais c’est un peu le but. C’est elle qui l’a poussé à faire ce boulot, c’est payant et pas dégradant qu’elle disait. Il doute pas qu’une des raisons du pourquoi il se laisse tenter, c’est qu’il est convaincu que sa mère va monter dans les rideaux en sachant cette nouvelle facette qu’il ajoute à son travail. Parce qu’il a envie aussi, son sang brûle dans ses veines alors qu’il pousse la jolie brune sur son lit et qu’il la rejoint quelques instants plus tard, après avoir pris le temps de déboutonner sa chemise avec une petite danse. Elle glousse, et Cam sait déjà que ça sera pas sa dernière fois. C’est un type intelligent, même s’il a ses défauts, même s’il a pas su encore comment débarrasser son âme des griffes de son envahissante mère. Faut jouer avec les atouts qu’on a, lui, il a sa tête et sa gueule. Sa gueule va l’aider à se remplir les poches, assez pour qu’il puisse réaliser son rêve et rejoindre Harvard grâce à sa tête. Pas question d’espérer seulement obtenir une bourse ou un prêt, il met toutes les chances de son côté – et s’amuse un peu à travers son chemin.